NOTRE DAME

Publié le par Michel Meurant

Une épaisse fumée s'élève dans le ciel de Paris, puis il y a quelques petites flammes, timides, peureuses, presque honteuses de se trouver à cet endroit. Elles prennent de l'assurance, de la puissance, de l'ampleur, de la férocité et, sous nos yeux ébahis, incrédules, persuadés qu'on les trompe, que ce qu'ils voient n'est pas la réalité, l'incendie se développe, attaque la flèche de Violet-le-Duc.

Notre Dame de Paris flambe, dévorée comme du vulgaire bois de caisse.

Telle une torche, la torche du désastre, la flèche flambe et finit par s'abattre, sous les cris horrifiés de la foule, symbole de la défaite dans la lutte que la cathédrale livrait au feu. Il n'y a plus rien à espérer !

Je ne parviens pas à y croire, malgré les flammes de plus en plus arrogantes, rageuses, dévorantes, malgré la fumée que dégage le plomb en fondant et qui repeint en jaune le ciel printanier de Paris. Je n'arrive pas à y croire, cependant, avant le vendredi saint, la cathédrale Notre Dame de Paris vit sa passion.

Spectateur sidéré et incrédule, je songe à tous ceux qui, il y a plus de huit siècle, avec des outils qui nous sembleraient aujourd'hui dérisoires, se sont attaqués au sol spongieux de l'extrémité de cette île sur la Seine, y creusant des puits qui, au fur et à mesure qu'ils s'approfondissaient s'emplissaient d'eau dans laquelle ils s'obstinaient à travailler, menacés par les éboulements, pour y enfoncer d'énormes pieux sur lesquels allaient reposer la cathédrale que leur foi élevaient comme une fervente et ardente prière à Dieu.

J'ai toujours été sidéré par la foi qu'il a fallu à tous ces hommes pour édifier cet énorme vaisseau et cela ne se remplacera jamais.

Je pense à ce bûcherons, armés de leurs simples cognées, qui ont abattu, dans le danger permanent, ces centaines, ces milliers de chênes nécessaires à l'édification de la charpente ; à ces scieurs de long qui, à la seule force de leurs muscles, ont transformé ces arbres en poutres et à ces charpentiers qui, ensuite, à cinquante mètres du sol, équilibristes et artistes, les ont assemblés en un savant ouvrage pour que la maison de Dieu soit bien couverte.

J'imagine ces tailleurs de pierre, depuis ceux qui ont taillé simplement les pierres des murs, jusqu'à ceux qui ont sculpté les gargouilles, les fleurs, les statues...

Je rêve aux maîtres verriers qui, patiemment, ont assemblé tous ces morceaux de verre insignifiants qui, réunis, dessinent magnifiquement les vitraux et les rosaces qui peignent d'un soleil en couleur l'intérieur du sanctuaire, et à tous ceux qui, quel que soit leur talent, ont prêté la main à la réalisation de ce chef d'oeuvre...ce chef d'oeuvre que le feu est en train de dévorer sous mes yeux sidérés, alors la vanité des choses humaines me frappe violemment, me porte un coup dont je ne me remettrai pas. Il a fallu des décennies, des siècles pour édifier ce magnifique temple qui était le coeur de la France qui battait au centre de Paris et en quelques heures il risque de n'en rien rester.

"Vanitas, vanitatis"..."Vanité des vanités, dit l'Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité."

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article